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Une légende urbaine bien répandue prétend que le remplacement des toiles de tente solaire serait à la charge du locataire, même si elles ont été installées par le propriétaire. C’est en tout cas ce que répandent les régies, en particulier dans le canton de Genève. Ces dernières se retranchent habituellement derrière des conditions générales mal rédigées ou tout simplement contraires au Code des Obligations. Celui-ci prescrit en effet que le bailleur est tenu de délivrer la chose louée dans un état approprié à l’usage pour lequel elle a été louée et de l’entretenir en cet état (art. 256 CO). Selon cette même disposition, les dérogations au détriment du locataire, prévues dans des conditions générales préimprimées ou dans des baux d’habitations ou de locaux commerciaux sont nulles. C’est le cas de conditions générales qui prévoiraient que le remplacement des toiles de tente est à la charge du locataire, même si c’est le bailleur qui les a installées.
Dans le canton de Vaud, à la suite d’un jugement du Tribunal des Baux du 22 septembre 1995, les règles et usages locatifs du canton de Vaud (RULV) ont été modifiés, en ce sens que dorénavant ils prévoient que le bailleur a la charge du «remplacement des toiles de tente, si les locaux loués en sont équipés» (art. 8 des RULV de 2008, ayant force obligatoire pour tous les baux et loyers du canton de Vaud).
A Genève, il n’y a pas de conditions générales obligatoires qui s’appliquent pour tous les contrats de bail, sauf pour les immeubles subventionnés. Chaque régie rédige ses propres «règles et usages locatifs» qui sont tout sauf l’expression d’un usage.
Cela étant, même les «Conditions générales et règles et usages locatifs appliqués dans le canton de Genève», obligatoires pour les immeubles subventionnés sont mal rédigées en ce qui concerne les toiles de tente. En effet, il y est indiqué à l’art. 48 : «L’installation, l’entretien et le remplacement des toiles de tente sont à la charge des locataires qui doivent s’en tenir au modèle et à la teinte choisie par le bailleur. Celui-ci ne peut toutefois obliger un locataire à en installer».
Pour que cette disposition soit conforme au droit fédéral, elle doit s’interpréter dans le sens que si l’immeuble n’est pas pourvu de toiles de tente, alors leur installation est à la charge du locataire. Cela est conforme au principe qui veut que le locataire ne peut demander que des travaux d’entretien au bailleur, mais non pas des travaux à plus-value comme des installations supplémentaires. En revanche, si l’immeuble est déjà pourvu de toiles de tente, alors leur entretien, voire leur remplacement, est à la charge du bailleur. C’est ce qu’a confirmé un récent jugement du Tribunal des baux et loyers de Genève du 14 janvier 2009, qui a considéré que l’art. 48 des conditions générales était nul au sens de l’art. 256 al. 2 CO et que, de toute façon, il ne traduit pas l’expression d’un usage local au sens de l’art. 259 CO.
Aux locataires d’être vigilants et de faire valoir leurs droits avec l’aide de l’ASLOCA.
Rappelons encore que selon la tabelle d’amortissement commune aux associations de bailleurs et de locataires de 2007, la durée de vie d’une toile de tente en tissu est de 15 ans (c.f. Infos pratiques –> tabelles)
François ZUTTER